Il s'est ouvert ce mardi 25 septembre à New York la 62ème session de l'Assemblée générale des Ntions Unies. A cette occasion le président de la république Joseph Kabila Kabange a effectué le déplacement de New York afin de représenter la République démocratique du Congo à ces assises. Il est accompagné par le Ministre d'Etat aux Affaires étrangères et à la Coopération, Antipas Mbusa Nyamwisi. Cette session ordinaire des Nations unies, force est de le rappeler, sera dominée par des questions liées à la réforme du Conseil de sécurité, au changement climatiques mais, aussi à des quetions ayant trait aux missions de paix à travers le monde. La République démocratique du congo étant un pays post-conflit disposant de la plus importante mission de paix de l'Onu à travers le monde demeure l'un des Etats sur lesquels les discussions devront s'appesantir.
LP : Monsieur le ministre, sous quelle note diplomatique placez-vous la participation de la délégation de la RDC à la 62ème session de l'Assemblée
générale des Nations unies ?
AMN : Pour autant que le cadre s'y prêtera, le Congo qui est un pays post-conflit fera à nouveau entendre sa voix. Des rencontres avec les chefs d'Etat de la région sont prévues dans l'agenda. Le retour de la paix dans les Grands Lacs ne saura donc être qu'en bonne place de nos échanges. Une rencontre avec les ministres confrontés aux problèmes de démobilisation et de réinsertion des groupes armés sur initiative de la France n'est pas à exclure.
LP : Mais, que dites-vous lorsqu’ il se dégage que c’est la force qui est opposée à la RDC pendant que d’aucuns soutiennent que sa diplomatie est en position de faiblesse ?
AMN : Loin de là ! Notre diplomatie n’est pas en position de faiblesse. Toujours est-il que pour ce qui est de l’Est du pays, nous ne sommes plus aujourd’hui, très loin d’une question congolo-congolaise. Nous oeuvrons pour enlever tout prétexte à qui que ce soit. Les rencontres de Kinshasa avec le ministre rwandais des Affaires étrangères, d’Arusha en Tanzanie et de Munyonyo à Kampala s’inscrivent dans ce contexte. Nous tenons à ce que les deux provinces du Kivu et toute la région des Grands Lacs vivent dans un espace de paix. Nous sommes donc fondamentalement dans une approche réaliste avec obligation des résultats encourageants, quels que soient les moyens dont nous disposons ou pas.
LP : Vous n'affichez pas là un optimisme béat ?
AMN : Notre mandat nous enjoint de créer les conditions de réussite. Le gouvernement est dans l’option de ne pas négocier avec des va-t-en-guerre. Le chef de l’Etat a donc réaffirmé une cohérence quand il rappelle que nous ne négocierons pas en position de faiblesse. C’est ce qu’il faut décrypter en lieu et place des supputations sans fondement
LP : La Tripartite de Kampala a-t-elle donc été un succès ?
ANM : Pour peu que l’on puisse en dire, un travail excellent y a été produit. Le Plan de paix de la RDC a été présenté aux partenaires et il a été fermement recommandé et convenu que la RDC doit redevenir un pays stable.
LP : Mais comment enlever à Laurent Nkunda les arguments qu’il brandit, comme le relève le président Kagame ?
ANM : Qu’il s’agisse de ce monsieur (Nkunda) ou même des autres personnes militaristes qui déstabilisent et empêchent le progrès et l’harmonie des populations dans la région en tuant, en violant, en pillant, il ne faut pas un dessin pour admettre que les Congolais en sont les victimes permanentes. Ce qui est peut-être un prétexte de déstabilisation du Rwanda devrait trouver solution dans la volonté, la bonne foi et la détermination des uns et des autres à sortir d’une rhétorique indigeste. La Tripartite Plus est déjà un des mécanismes qui s’y prête pour avancer vers des solutions satisfaisantes. Il peut assurément s’agir donc là de questions de politique interne, pour les uns et les autres. La diplomatie congolaise travaille sans relâche pour que la propreté soit, comme il le faut, assurée dans et devant sa case.
LP : Faudra-t-il en définitive un dialogue interne au Rwanda afin que les officiels à Kigali trouvent un terrain d’entente avec leurs opposants ?
AMN : Les Rwandais sont mieux placés pour savoir comment faire leur propre lit ! Nous avons aidé et continuons à œuvrer pour que sur les 20 mille hommes civils et armés dont il était question et qui n’en reste plus que quelque 6 mille au Congo, que les Rwandais en territoire congolais regagnent leur patrie. C’est là-bas qu’ils doivent être. Mais là pour la suite, je le répète encore, demeure une question rwando-rwandaise.
LP : Et pour l’instant, comment traduire concrètement les résultats, mieux les engagements de différentes rencontres et concertations entre les pays de la région ?
Un calendrier mis sur pied de commun accord avait – lors de la dernière Tripartie Plus à Kampala – fixé des échanges et calendriers des travaux entre les responsables des services de renseignements des pays signataires de l’Accord de Washington. Il y a eu la rencontre du 20 septembre à Kisangani. Une commission d’experts est à pied d’œuvre à Bukavu depuis le 21 septembre pour faire le point sur la sécurité à la frontière des pays membres avant que Kinshasa n’accueille la prochaine réunion des chefs d’Etats-majors des armées du Rwanda, de la RDC, du Burundi, de l’Ouganda.
LP : Vous êtes donc optimiste ?
AMN : Il n’y a pas de lauriers sur lesquels il faille dormir ! Tout le monde devrait veiller au grain ! Tous, c’est-à-dire : les signataires de la Tripatite Plus, la facilitation américaine, la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs, des Nations unies, de l’Union africaine… et aussi nos populations civiles qui devraient se mettre en mouvement en vue de devenir les plus grands activistes du retour de la paix dans la région.
LP : Mais ce double langage de l’Ouganda avec ses troupes le long de la frontière commune avec la RDC alors que Kampala avait annoncé leur retrait ?
AMN : Les informations de première main en ma possession sont telles que rien des accords de Ngurdoto n’a été violé dans ce sens. C’est dire qu’il y a effectivement eu démilitarisation simultanée de l’Ile de Rukwanzi et des localités de Mahagi, Uriwo, Anzida/Panzuru, Agiero, Pagira, Pamithu et de la barrière de Vura. Ces entités sont entièrement sous administration congolaise. Le mouvement se poursuit dans la partie Sud de la province Orientale.
LP : Mais faut-il que la RDC soit d’abord prise au collet – avant de signer des accords – pétroliers pour le cas d’espèce, avec l’Angola et l’Ouganda ?
AMN : Allons droit au but et admettons que dans la flopée des accords signés à Luanda, il y a celui du pétrole où le Congo n’en sort pas moins gagnant ! Il en est de même de celui qui traite de l’exploration et exploitation commune des hydrocarbures dans le Lac Albert. Ce pays que vous présentez comme étranglé ou pris au collet, en sort pourtant avec de meilleures possibilités de projets intégrateurs profitables à ses populations et, avec à la clé, d’ailleurs, le principe de la mise à jour de l’Accord de coopération pour l’exploration des hydrocarbures et l’exploitation des gisements communs signé le 23 juin 1990. Maintenant, si vous le voulez bien, pour le reste c’est toute une série de dispositions à prendre au niveau de la commission mixte prévue pour le mois de décembre prochain, en Ouganda.
LP : Reste que d’aucuns y voient une remise en question des attributs de la souveraineté nationale ?
AMN : Je ne vois rien de tout cela. Il n’y a et il n’y aura pas une moindre portion du territoire congolais qui sera bradée. Rassurez-vous. Qu’on se le dise! La Constitution nous enjoint à y veiller. Ce serait une lapalissade que de dire que nous sommes un gouvernement responsable. Voilà tout !
LP : Vous ne dites pourtant rien de différentes bornes, postes et frontières de plus en plus d’actualité dans les débats avec les pays voisins !
AMN : Il n’y a pas de débat à ce sujet. Le principe de l’intangibilité des frontières héritées de Berlin 1885 demeure intact. Est-il que l’option gouvernementale de contrôle de notre espace voudrait que la Commission des frontières instituée par le chef de l’Etat revisite les frontières que nous partageons avec les 9 voisins. Ce qui se fait déjà avec l’Angola avec lequel nous partageons près de 2500 km. Il en sera de même avec les autres : Rwanda, Ouganda, Centrafrique, Soudan avec lequel, par exemple, sur 5 km en profondeur et sur près d’une vingtaine de km en longueur, le président soudanais El Béchir admet qu’il y a des ressortissants de son pays sur notre territoire. Pas de conflit avec notre pays depuis que l’histoire nous a mis côte à côte, comme ils le disent à Khartoum.
LP : Nous risquons donc de revoir Britanniques, Portugais, Belges, Français deviser avec les uns et les autres pour une revisitation de nos frontières …
AMN : Nous n’éprouverons pas le moindre gène de recourir à l’expertise ou à la documentation d’anciennes métropoles tant qu’il faille que tout soit tiré au clair et que les possibilités de contradictions soient écartées entre nous. Faudrait-il que ce soit aussi la préoccupation de notre élite intellectuelle, de nos scientifiques, nos documentalistes, de notre Société civile. Que tous se mettent en mouvement et apportent leur contribution quelque minime qu’elle puisse être. Nous soutiendrons ces initiatives.
LP : D’où vient subitement ce déclic ?
AMN : Le chef de l’Etat n’a de cesse d’affirmer et de nous engager dans une diplomatie de paix et de développement. Et, ce n’est pas que l’affaire du seul gouvernement. Mais comment y arriver sans un contrôle de l’espace et partant sans une saisie réelle des enjeux régionaux et internationaux ? C’est encore Napoléon qui disait que la politique est dans la géographie. Cette assertion reste valable.
LP : Mais les beaux projets de cette diplomatie de paix et de développement ne risquent-ils pas d’être contrariés par les partenaires traditionnels au développement de la RDC du fait de cette présence très remarquée de la Chine avec ce prêt de 5 milliards de dollars ?
AMN : Je ne vois pas la relation. Est-ce une mauvaise chose que le développement recherche aussi la construction de routes ? Est-ce que ces partenaires au développement sont contre les autres apports en faveur du développement de notre pays ? Je me dis, d’une part que ces mêmes partenaires sont ceux qui ont cru en nous et qui nous ont soutenu quand on était au creux des vagues et que tout menaçait la RDC dans son existence en tant qu’Etat et Nation..
LP : Est-ce pour cette raison que le président Kabila est passé par la Belgique en route pour New York pour s’expliquer ?
AMN : Il ne devrait pas y avoir des explications ou des justifications à fournir. Il s’agit d’une invitation adressée par la Belgique depuis le mois d’avril. Il n’y a pas cependant un pays qui ait été développé par un autre. Le contexte mondialiste est aujourd’hui tel que la RDC comme les autres nations, est obligée de s’appuyer sur toutes les volontés susceptibles de l’aider à se développer. Notre présence dans les différents regroupements régionaux ou sous-régionaux (SADC ou autres) va dans ce sens. Nous l’expliquons dans tous les forums où nous prenons part. Nous croyons en de nouvelles relations responsables, pour la dignité de nos populations respectives. Il y a une ouverture d’esprit remarquable dans le chef de tous nos partenaires au développement.
LP : Mais comment mettre tout cela en musique avec un appareil diplomatique presque désuet et inadapté ?
AMN : Nous y travaillons. Il y a un besoin réel de modernisation. Des réponses appropriées vont y être très bientôt apportées. Le diagnostic révèle que ce n’est pas toujours ou seulement une question d’hommes. Nous bénéficions déjà d’une appréciable et substantielle coopération par le biais de notre académie diplomatique de la part de l’Afrique du Sud pour une mise à niveau qui porte déjà des fruits. - (Interview Freddy Mulumba Kabwayi).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire